Le Bushidô englobe les multiples préceptes et codes régissant la vie de l'élite guerrière des samouraï. ( bushi signifie " guerrier " et dô, la " voie " )
HISTOIRE
Le Bushidô connut 3 grands âges distincts :
1) L'ancien Bushidô, nommé voie de l'Arc et du Cheval, fut le premier code non écrit du Samouraï. Il débute vers le XIème siècle et se termine vers 1600. Etabli par une minorité de guerriers habitués à une vie austère et perpétuellement menacée, on y retrouve déjà exaltées des notions telles que la vénération des ancêtres, l'obéissance au souverain, la probité, la résignation face à l'inévitable, le mépris de la mort. En fait, il est plus exacte de parler de voie que de code, car la voie engage la totalité de l'être. Les Samouraï formeront bientôt une classe privilégiée et puissante qui gagnera ses titres et sa gloire lors de guerres intérieures impitoyables et incessantes. C'est cette élite qui libérera, au XIIIème siècle, après de terribles combats, le Japon de la menace Mongole.
2) Le Bushidô réformé est un amalgame de confucianisme, de Shintô et de bouddhisme. Il fut codifié sous le nom de Bushidô au début du XVIIème siècle. (Notons que malgré tous les apports étrangers Le Bushidô restera toujours un pur "produit" de l'âme japonaise.) A cette époque le gouvernement est militaire, entièrement aux mains des samouraï et des soldats qui ont pouvoir de vie et de mort sur tout homme de classe inférieure. C'est aussi une période de paix qui verra beaucoup de samouraï désoeuvrés devenir "chômeurs", paysans ou fonctionnaire. Peut-être en réaction à une inactivité forcée et dangereuse, nombres d'écrits concernant le mode de vie des samouraï seront publiés, mais le plus célèbre sera sans doute le Hagakure paru en 1716 (voir plus bas). C'est également l'époque où le Japon se replie sur lui-même. Il donne cours à une xénophobie qui le conduira à un isolement culturel et économique dont il ne sortira que forcé par les Etats-Unis en 1854. Il sera alors temps pour lui de prendre conscience de sa faiblesse face à la supériorité des armes occidentale.
Le Bushidô moderne débute avec l'ère Meiji en 1868. Face aux barbares détestés, face à des traités imposés et impitoyables, totalement désarmé, le Japon doit ravaler son immense orgueil et se mettre au diapason de la culture étrangère haborrée. En 1867 le pouvoir politique est restitué à l'Empereur : c'est la fin du pouvoir des samouraï. Mais l'esprit du Bushidô ne meurt pas pour autant. Il survit encore aujourd'hui où il s'applique aussi bien aux affaires qu'aux interdépendances sociales.
PHILOSOPHIE
Il ne faut pas oublier que la philosophie du Bushidô découle, dans les débuts en tous cas, de conditions de vie difficile et dangereuse. Le climat est rude, les guerres nombreuses. Survivre est un art incertain et périlleux.
Voici un aperçu de la loi du Bushidô telle qu'elle est exprimée vers la fin du XVIIème siècle:
" Le vrai courage consiste à vivre quand il est juste de vivre, à mourir quand il est juste de mourir "
" Manger avec modération, éviter la volupté "
" Un Samouraï se conduira en fils et en sujet fidèle. Il ne quittera pas son souverain, quand bien même le nombre de ses sujets passerait de cent à dix, de dix à un "
" En temps de guerre, le témoignage de sa loyauté consistera à se porter s'il le faut au-devant des flèches ennemies sans faire cas de sa vie "
"…s'il perd le combat et s'il est obligé de livrer sa tête (…) il mourra en souriant, sans aucune vile allure "
La voie du guerrier et l'idée de la mort.
En 1716 sont achevés les onze volumes du "Hagakure" ("ce qui est caché sous les feuilles"). La réalité de la mort est le thème central de l'œuvre. L'auteur, Yamamoto Tsunetomo affirme: " J'ai réalisé que le Bushidô signifiait la mort. Lorsqu'on est contraint de choisir entre la vie et la mort, ce qui importe c'est de choisir sans hésitation, sans peser le pour et le contre par d'infinies cogitations. Il faut savoir décider simplement et…agir." Cette capacité d'instantanéité est l'une des bases de tous les arts martiaux. Les moines zen tenteront d'y parvenir par l'usage des " koan ". Se référant sans doute au célèbre " Seppuku " le suicide rituel en cas de défaite, Yamamoto poursuit : " L'idée selon laquelle il est absurde de mourir sans avoir atteint les objectifs que l'on se proposait est méprisable et frivole. Que nous préférions tous la vie à la mort est un fait indéniable, c'est pourquoi il se trouve tant de gens pour prétendre que c'est ce que nous préférons le plus qui est juste. En fait, celui qui ne peut vivre en assistant à l'échec de ses ambitions est un pleutre. Il est vain de penser que l'on ne saurait mourir en laissant des objectifs non réalisés. C'est faux, il n'y a là aucune honte. C'est là, et là seulement, que passe la véritable voie du Bushidô. Si le Samouraï pratique l'introspection et l'autocritique à tout instant, et s'il est en outre disposé à laisser sa vie où et quand il le faut, il sera parfait dans tous les arts martiaux, et mènera une vie pure comme le diamant ."
De telles réflexions devraient être ré-actualisées. En un temps où seuls " les gagneurs " sont respectés, il serait peut-être utile de comprendre que l'échec n'est pas une honte, que la retraite, voire la défaite, ne sont pas signes de lâcheté. Le tantrisme tibétain, tout comme le Y-King, nous apprennent eux aussi que le gain et la perte sont les deux faces nécessaires d'une même pièce : l'apprentissage de la vie.
S'il ne craint pas la mort, le Samouraï n'en est pas pour autant suicidaire. Sa mort au combat répond à une tentative de rétablir un équilibre vital détruit. Sa mort est le garant d'une vie juste. Reste à s'entendre sur le terme " juste ", reste à déterminer le moment où le déséquilibre devient chaos. Reste à établir la frontière entre une vie difficile et un calvaire. A chacun de fixer ses limites et de créer son propre Bushidô, en gardant constamment à l'esprit que le Bushidô ne se contente jamais d'être le véhicule de profondes réflexions philosophiques. Il cherche d'abord et avant tout à les rendre effectives. Son objectif premier est toujours de transformer la théorie en pratique.
Alors, pratiquons...